Nous sommes dans le Mississippi lors du 8 novembre, jour de l’élection présidentielle américaine. Après avoir suivi avec enthousiasme la campagne de Bernie Sanders nous nous étions rangés avec résignation dans le camp pro-Hilary Clinton.
Source: h/t @SteveSilberman
Nous espérions sa victoire, même si la semaine précédant les élections laissait déjà présager que les résultats seraient très serrés. Le soir des élections nous nous sommes installés devant notre tv et nous avons suivi les résultats qui arrivaient au compte-goutte. Et plus la soirée avançait, plus nous déchantions au vu des résultats des swing states…
Pour bien comprendre le rôle des swing states il faut savoir que le mode de scrutin américain est un système électoral au suffrage universel indirect à un tour, c’est-à-dire que les voix comptabilisées dans chaque état ne vont pas directement au candidat mais élisent ce qu’on appelle les Grands électeurs qui composent un collège électoral. Pour être élu, le candidat doit obtenir la majorité absolue des votes du collège électoral soit 270 voix. Les swing states sont des états qui n’étant pas traditionnellement acquis à l’un des deux grands partis peuvent basculer d’un bord à l’autre à chaque élection.
Trump remporte d’abord la Floride, l’un des plus importants swing states, puis l’Ohio, qui, je l’apprends à ce moment-là en consultant frénétiquement les news, a le status de baromètre de l’élection: depuis 1964 aucun candidat n’a remporté les présidentielles sans remporter cet état (d’où l’adage « as Ohio goes, so does the nation»). C’est donc plus que mal engagé pour Clinton… Les élections vont encore durer une bonne partie de la nuit, et à ce stade je suis dans un tel état d’anxiété que je préfère éteindre la télévision et tenter de dormir en espérant un miracle (car je commence aussi à trouver que le déni est un endroit plus confortable que la réalité). J’émerge vers 3h du matin pour regarder les résultats définitifs : Trump est élu 45e président des Etats-Unis. Je me reveille avec cette photo-là, et comme l’impression d’être plongée dans une réalite alternative cauchemardesque:
Source: http://i2.cdn.cnn.com/
Un milliardaire qui ne paye pas ses impôts, un homme excessif, impulsif, arrogant et ignorant qui n’a jamais exercé le moindre mandat électif, qui ment sans scrupules, flirte allègrement avec le racisme, la xénophobie et le sexisme, vient d’être mis aux commandes de la première puissance mondiale. Voilà, voilà. Accessoirement, ca va un peu plomber les vacances.
La carte des résultats des élections confirme clairement le clivage entre deux Amériques : l’Amérique que je connais, celle des grandes villes et des deux côtes Ouest et Nord-est, et celle que je découvre dans le Mississippi et en Louisiane : celle d’un électorat blanc, masculin et peu diplômé, habitant en milieu rural, que ce soit dans les graines plaines, le midwest ou le sud historique, blanc et conservateur (même si les résultats ont aussi révélé des surprises : 29% de l’électorat latino a voté pour Trump, malgré sa promesse d’expulser les immigrés illégaux majoritairement hispaniques et de construire le fameux mur à la frontière mexicaine).
Source: http://www.politico.com/
Bien sûr tous les électeurs de Trump ne sont pas des rednecks racistes : l’homme d’affaire a surtout su exploiter un mécontentement économique profond et justifié, et surfer sur le mouvement de colère des laissés pour compte de la mondialisation en attaquant les boucs-émissaires habituels : les immigrés, le libre-échange et les élites (Brexit – suite) . Résultats, on est partis pour 4 ans, au mieux vers l’inconnu, au pire droit dans le mur. Cette élection nous fait pas mal réfléchir à notre expatriation aux USA: est-ce qu’on a vraiment envie de vivre dans un pays qui s’est sciemment choisi un tel leader? C’est dur à comprendre, mais c’est aussi le pays qui a élu Barack Obama, premier afro-américain à la maison blanche et diplômé d’Harvard. Nous mesurons encore que nous vivons dans une petite bulle à New-York, puisque la ville a voté à 80% pour Clinton. Et si on regarde les résultats détaillés (en rouge pour Trump, bleu pour Clinton): me voila au moins confortée dans ma conviction que Staten Island (la tache rouge en bas à gauche) devrait définitivement être rattaché au New Jersey.
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